Le futurisme interroge plus qu’il ne passionne les foules. Il est l’un de ces nombreux mouvements apparus au début du XXe siècle visant à remettre en question une vision établie de l’art - ou prétendument établie.

S’épanouissant entre 1909 et 1930, sa vocation de diffuser des idées à l’international n’a pas eu un retentissement aussi considérable que son intitulé le laisserait penser. Essentiellement italien, ce mouvement a largement souffert de ses accointances avec les régimes les plus autoritaires de la période.

Dans cet article nous vous proposons de revenir sur son histoire, d’en comprendre les fondements tout en mettant en exergue l’influence très politique plus qu’artistique de ce mouvement controversé. 

Qu’est-ce que le futurisme ?

Définition du futurisme

Le futurisme est un mouvement né en Italie au début du XXe siècle. D’abord littéraire, il s’étend ensuite aux arts plastiques. 

Exaltant le monde moderne, le futurisme est, avant toute chose, fondé sur le rejet de la tradition esthétique (et spirituelle) en prenant pour thèmes majeurs la vitesse, l’industrie et l’urbanité plus ou moins fantasmée. 

Les origines du futurisme

Bien que né, théorisé et essentiellement utilisé en Italie, la vocation de ce mouvement a toujours eu une portée internationale. 

On fait habituellement débuter son existence à l’année 1909, année de publication du « Manifeste du Futurisme » par le poète Filippo Tommaso Marinetti.

Filippo Tommaso Marinetti

Ce dernier paraît pour la première fois dans le journal Gazzetta dell'Emilia de Bologne, le 5 février 1909 avant d’être publié en France dans le Figaro le 20 février de cette même année.  

Manifeste du Futurisme

Image : Manifeste du Futurisme par Filippo Tommaso Marinetti, sous licence CC BY 3.0.

Cinq artistes faisant partie de l’entourage du poète vont se joindre à cette fondation : Giacomo Balla, Umberto Boccioni, Carlo Carrà, Gino Severini, Luigi Russolo. À ce titre, ils rédigent ensemble en 1910 deux manifestes qui jettent les bases de ce mouvement très particulier. 

Les caractéristiques du futurisme

Le futurisme se réclame nettement contre l’anthropocentrisme. Leur vision est un rejet total de l’humain au centre de tout bien qu’il ne s’agisse que d’un prétexte. Seule compte la modernité instituée de gré ou de force et de force volontiers ! 

Le groupe d’artistes juge que la violence est légitime pour débarrasser l’Italie de son histoire trop prééminente, pire encore ils l’estiment nécessaire… La guerre est vue comme un moyen simple de détruire le monde ancien pour en ériger un nouveau en prônant vitesse, modernité et goût pour la mécanique. 

Influencées par le cubisme, les peintures futuristes simplifient les formes, les rendent anguleuses tout en conservant un mouvement et un intérêt pour la représentation de la vitesse. 

Dynamique et mouvement sont les maîtres mots de ces artistes. L’objet n’est qu’un prétexte, cette vision venant d’une constatation simple : lorsqu’il est en mouvement, ce dernier perd dans notre perception toute forme tangible au profit d’un aspect presque abstrait. C’est de cette idée que naît l’esthétique futuriste. 

Le perfectionnement de la photographie qui permet notamment les arrêts sur image y compris d’un corps en mouvement (par exemple d’un cheval au galop), conduit les futuristes à préciser dans leurs représentations l’effet que produit le mouvement. Le nu descendant l’escalier de Duchamp correspond à ces recherches et ne manque pas de faire scandale à sa présentation. 

Les machines, les luttes sociales, la guerre, les armes, la vie urbaine et l’industrie sont les principaux thèmes de prédilection des futuristes.

Les principaux artistes et œuvres du futurisme

Les artistes du futurisme

En Italie

  • Umberto Boccioni, peintre et sculpteur né en 1882 et mort en 1916. Il est principalement connu malgré sa courte vie pour sa célèbre sculpture “l’Homme en mouvement”. 
  • Carlo Carrà, peintre né en 1881 et mort en 1966. 
  • Joseph Stella peintre né en 1877 et mort en 1946.
  • Filippo Tommaso Marinetti, poète et écrivain à l’origine du mouvement né en 1876 et mort en 1944. 
  • Gino Severini, peintre né en 1883 et mort en 1966. 
  • Luigi Russolo peintre et compositeur né en 1885 et mort en 1947. Il est principalement connu pour être l’auteur d’un des chefs-d’œuvre du futurisme avec son tableau “La Révolte”. 
  • Arnaldo Ginna, peintre et réalisateur né en 1890 et mort en 1982. 
  • Quirino de Giorgio, l’un des rares architectes du mouvement futuriste né en 1907 et mort en 1997. Bien que sa production couvre l’essentiel du XXe siècle avec de nombreuses réalisations tardives prônant l’utilisation du béton, on le connaît aujourd’hui essentiellement pour ses créations d’avant-guerre. 

En Europe de l’Est

  • David Bourliouk, peintre né en 1882 et mort en 1967. Il est principalement connu pour être co-auteur du manifeste futuriste russe “Une gifle au goût du public”. 
  • Ossip Brik, écrivain né en 1888 et mort en 1945. Il est considéré comme l'un des principaux théoriciens de l'école formaliste ou futurisme russe.
  • Vladimir Bourliouk, peintre né en 1886 et mort en 1917. Il est l’un des fondateurs du futurisme russe mais sa courte vie ne lui permettra pas de développer pleinement son œuvre. Il meurt au front en 1917. 
  • Vasilisk Gnedov, poète né en 1890 et mort en 1978. D’aucun le qualifierait de futuriste expérimental. Il est principalement connu pour son “Poème de la fin”, composé d’un simple titre sur une page blanche qu’il mimait sur scène d'un geste effectué de la main droite, en écho à la guillotine. 
  • Nathalie Gontcharova, peintre née en 1881 et morte en 1962. Passant de l'impressionnisme au cubisme, du néo-primitivisme au futurisme (notamment dans le cadre du mouvement Valet de carreau) puis fondant son mouvement “Queue d’Âne”, l’une de ses œuvres la plus connue est “le cycliste” de 1913. 

Les chefs-d'œuvre du futurisme

Carlo Carrà, I Funerali dell’anarchico Galli, 1910-1911

Inspirée des dramatiques événements de la grande grève de 1904 en Italie à l’issue de laquelle une violente répression a été menée contre les manifestants provoquant la mort de l’anarchiste Galli.

“Chaque succession de sons, de bruits et d’odeurs imprime dans l’esprit une arabesque de formes et de couleurs”.

L’homme en mouvement de Umberto Boccioni (Plâtre conçu en 1913). 

La sculpture postérieurement coulée en bronze représente un homme dont on ne distingue aucun détail si ce n’est la forme générale. Le personnage n’a ni visage ni de détails reconnaissables. Il effectue un pas en avant permettant à Boccioni de représenter le mouvement qui le métamorphose. 

Le Nu descendant l’escalier de Marcel Duchamp

Caractéristique de la recherche futuriste sur le dynamisme, le peintre représente ici un corps en mouvement qui se décompose dans l’espace. 

Luigi Russolo, La Rivolta, 1911

Luigi Russolo, La Rivolta, 1911

Représente « la collision de deux forces, celle de l’élément révolutionnaire faite d’enthousiasme et de lyrisme rouge contre la force de l’inertie et de la résistance réactionnaire de la tradition » (Catalogue de The Sackville Gallery, Londres, mars 1912). 

Plus simplement, il s’agit de la représentation d’une foule de manifestants qui se diffuse dans l’espace par le biais de formes de flèches. 

L'influence du futurisme

L'héritage du futurisme

Un mouvement qui s’est arrêté aussi vite qu’il a été créé

Le futurisme s’est assez rapidement éteint. Sa vision très extrême de l’art, ses provocations régulières ont eu raison de l’enthousiasme des premiers temps. 

Mussolini, d’abord en lien avec l’avant-garde, s'est par la suite détourné de ses vues pour une vision plus passéiste en lien avec la glorieuse culture romaine antique au point de devenir quasi “anti-futuriste”. 

Une portée faible à l’international

Le mouvement s’est voulu international. Il l’a été, mais de façon assez réduite dans les faits. 

À l’exception de quelques artistes américains et une prise plus conséquente en Europe de l’Est (sans doute lié à la revendication ouvertement socialiste des futuristes quand elle n’était pas fasciste), le mouvement n’a eu qu’une expansion très marginale. 

Pourquoi le futurisme a-t-il eu un impact si peu durable ?

Le futurisme a sans doute eu un faible impact si peu durable tant dans le temps qu’à l’international pour son positionnement très extrême politiquement. Il est, qui plus est, un mouvement aux nombreuses contradictions dans le discours, tantôt marxiste, tantôt fasciste, tantôt communiste. 

On a par la suite largement critiqué sa vision belliciste, à une époque où le totalitarisme avait déjà produit et produisait toujours des abus et crimes contre l’humanité. Tout dans le discours futuriste conduisait à interpréter les conflits armés comme un moyen naturel de réguler et de bâtir sur les cendres des sociétés détruites un monde nouveau que les futuristes appelaient de leurs vœux. 

En France, Marcel Duchamps se révélera particulièrement intéressé par les recherches esthétiques des futuristes bien qu’il ne partageait pas sa vision politique. Son rapprochement est donc à considérer d’un point de vue strictement formel et artistique. 

Les artistes intéressés par le mouvement sont-ils des futuristes ? 

Le fait que d’autres artistes se soient au cours de l’après-guerre intéressés au mouvement en art n’est certainement pas une preuve, à mon sens, de leur rapprochement avec le futurisme. 

Le mouvement a souvent fait partie des préoccupations artistiques et ce à toutes les époques. La démonstration tentant de faire croire que cette tendance est une influence directe du futurisme me semble sinon erronée, au moins largement extrapolée. 

Attention donc aux jugements à l’emporte-pièce auxquels un historien d’art trop zélé pourrait aisément conclure. 

Conclusion sur le futurisme

Le futurisme a contribué de façon importante aux recherches sur le mouvement dans l’art. Il s’inscrit dans une succession de mouvements proches les uns des autres notamment au début du XXe siècle.

Son influence est cependant à relativiser.

Si l’on peut le critiquer sans mal compte tenu de ses positions extrêmes voire violentes, il faut avant toute chose le replacer dans un contexte historique tendu précédant les deux guerres mondiales afin de mieux en comprendre les fondements.