Laque chinoise : Plongée dans un art millénaire aux techniques fascinantes
Nous avions déjà abordé dans un autre article, le cas de la laque cinabre : la laque c’est encore autre chose et vous ne regretterez pas d’avoir pris le temps d’ouvrir ce second chapitre dédié à un art millénaire qui a su traverser les âges et fasciner l’Europe depuis près de 400 ans.
Depuis des millénaires, elle sublime les palais impériaux, les temples et les objets d’art les plus précieux. Fruit d’un savoir-faire minutieux, elle allie technicité et esthétisme, défiant le temps avec une étonnante résistance et un éclat impérissable (ou presque).

Quels sont ses secrets ? Comment est-elle fabriquée et surtout comment reconnaître une pièce authentique pour sublimer votre collection ? Plongée dans l’histoire, les techniques et les symboles de cet art ancestral.
Vous possédez un objet de collection en laque que vous souhaitez vendre ?
Demandez-nous une estimation gratuite et confidentielle et bénéficiez de frais réduits spécialement négociés pour vous avec les maisons de vente.
Préambule
Un laque ou une laque ? Un peu de sémantique et de français ne fera pas de mal à bien d’autres sites y compris d’expertise qui ont eu cependant le mérite d’écrire avant nous sur le sujet – avec cette erreur persistante : confondre un laque et une laque. L’erreur est si commune qu’il est même devenu naturel de la reproduire.
Voici donc la règle pour s’y retrouver:
La technique et la matière qui recouvrent les objets que nous évoquons sont bien “de la laque”, nom féminin. En revanche, l’objet d’art obtenu par l’intermédiaire de cette technique est un laque, nom masculin.
D’ailleurs, il n’était pas rare d’évoquer “les vieux laques de Chine” dans la littérature ou les inventaires anciens.
Qu’est-ce que la laque chinoise ?
Définition et caractéristiques de la laque chinoise
Une résine précieuse issue du Toxicodendron vernicifluum
La laque est issue de la sève sécrétée par les arbres à laque de la famille des Arecaceae.
Cette matière collante qui peut être appliquée en couches homogènes produit en séchant une couverte délicate et brillante que l’on peut travailler pour obtenir des effets décoratifs de surépaisseur, transparence et relief.

Son existence en Chine est attestée depuis le Néolithique et sous sa forme moderne depuis plus de 3 000 ans soit dès la période Shang ! Si dans les premiers temps son usage est strictement utilitaire faisant office d’adhésif, les artisans ont constaté au fil des années que ce matériau pouvait également servir de couche protectrice. La période des Royaumes Combattants fait ainsi émerger l’art de la laque comme technique décorative et de protection dès le Ve siècle avant J.-C.
L’utilisation pour la protection avant d’être un revêtement décoratif ?
Peut-être les deux à la fois – quoi qu’il en soit, les artisans ont découvert que non seulement la laque protège le bois du pourrissement mais elle semble également invulnérable à l’attaque des parasites d’où son usage très répandu en arts d’Asie.
Un savoir-faire artisanal transmis depuis des millénaires
L’archéologie a permis de mettre en lumière l’ancienneté de l’utilisation de la laque avec des applications certes diverses mais qui démontrent néanmoins l’extraordinaire pérennité de sa transmission.
On la pense à tort fragile : elle l’est d’une certaine manière, tout comme le verre, pouvant se briser, s’ébrécher, s’user.
Pour autant sa résistance aux conditions extérieures n’est plus à démontrer : en 1973, un groupe d’archéologues a mis au jour un bol datant de la culture de Hemudu, soit entre 5050 et 4550 av. J.-C. Le bol est encore aujourd’hui considéré comme le plus ancien objet laqué au monde.

La résistance de ce matériau peut se résumer en trois points :
1. Imperméabilité
Une fois durcie, la laque est presque imperméable à l’eau, ce qui protège le bois des affres de l’humidité et donc du pourrissement.
Ainsi, même exposée à des conditions extrêmes d’humidité comme c’est souvent le cas dans le contexte de découverte de nombre de ces objets, le plus souvent des tombes gorgées d’eau, la laque peut être retrouvée intacte.
On pourrait citer le cas de la célèbre tombe de la marquise de Daï dont le sarcophage de laque datant du IIe siècle av J.-C. a été retrouvé intacte, protégeant ainsi son occupante. Cette dernière a été si bien conservée que l’on a pu réaliser une autopsie complète de la momie comme si la marquise était décédée quelques jours plus tôt.
2. Résistance chimique
La laque est très résistante aux acides et aux alcalis. Cette propriété la rend particulièrement durable et protège le support sur lequel elle est appliquée.
⚠️ Attention cependant ! Cette résistance chimique est circonstanciée et une forte acidité finira toujours par avoir raison de la brillance et de la solidité de la laque.
3. Résistance à la chaleur
Si la laque craint l’exposition aux UV, elle résiste relativement bien à la chaleur une fois durcie. C’est la raison pour laquelle elle fut très utilisée pour les objets du quotidien, tels que les bols et les ustensiles de cuisine.
Histoire et évolution de la laque chinoise à travers les dynasties
La Dynastie Shang (1600-1046 av. J.-C.) :
Si l’utilisation de la laque est attestée en Chine dès le Néolithique, la période Shang a été une époque charnière pour son développement.
Les découvertes archéologiques les plus récentes démontrent que son utilisation était non seulement répandue mais qu’elle s’était déjà spécialisée au point de passer de simple revêtement imperméable à une technique décorative. Utilisée aussi bien pour des objets du quotidien que dans le cadre de cérémonies rituelles afin d’accompagner les défunts lors de l’inhumation, la laque a connu une grande diversité d’usages.
La période Shang pose les bases de l’utilisation moderne de la laque. La découverte d’objets laqués notamment dans les sépultures de l’aristocratie démontre que l’on attribuait une certaine valeur à ces pièces.
Les Zhou de l’Ouest (XIe-VIIIe siècle av. J.-C.) et la Période des Printemps et Automnes (VIIIe-Ve siècle av. J.-C.)
Sous les Zhou de l’Ouest, la technique se perfectionne encore et devient plus courante. Les effets décoratifs se développent et l’on voit apparaître les premières incrustations de nacre.
La Période des Royaumes combattants (476-221 av. J.-C.) et la Dynastie Han (206 av. J.-C. – 220 apr. J.-C.)
La technique déjà bien connue est désormais largement utilisée.
L’archéologie a permis de mettre au jour un grand nombre de vases, bols, coffres et même armes dans différents contextes. Trois couleurs principales sont alors utilisées : le rouge, le noir et le jaune.

Outre les productions locales, des ateliers d’État supervisent également la production conduisant à l’émergence de styles régionaux.
En 1972, l’excavation du célèbre site de Mawangdui datant de la dynastie Han a d’ailleurs révélé un grand nombre d’objets laqués de cette période.
Anecdote : Si le site de Mawangdui est aujourd’hui célèbre et bien connu des archéologues, sa fouille de 1972 à 1974 fut quant à elle réalisée dans l’urgence. Le pourrissement des matières organiques des chambres funéraires des trois tombes enfouies avait en effet provoqué un jet de gaz enflammé d’une remarquable dangerosité.
La Dynastie Tang (618-907) : Premier âge d’or de l’ornementation en laque
Sous la dynastie Tang, la laque atteint un niveau élevé de sophistication.
Outre le perfectionnement des procédés d’incrustations de nacre, deux techniques majeures font leur apparition :
- Le Qianjin consistant à creuser des sillons dans la laque puis à les remplir de poudre d’or.
- Le Diaoqi (雕漆), sculpture en relief, que nous avons déjà évoquée dans notre second article dédié à la laque cinabre.
La Dynastie Yuan (1271-1368)
Les laques Yuan sont encore aujourd’hui parmi les plus beaux que l’on puisse trouver. Sous cette dynastie, la laque sculptée est particulièrement populaire et atteint un premier apogée. La production se diversifie au profit de la laque peinte polychrome ou à l’or.

La Dynastie Ming (1368-1644) : perfection du travail de la laque
Sans conteste époque d’apogée du travail de la laque sous toutes ses formes, la dynastie Ming donne aux artisans une longue période de stabilité qui leur permet de perfectionner définitivement leur art.
Les laques sculptés produits à cette période sont d’une remarquable qualité. La variété des motifs est considérablement élargie et les formes des objets se diversifient. Stimulée par les commandes de la Cour impériale désormais basée à Pékin, la production de laques atteint un niveau inégalé jusqu’alors autant en quantité qu’en qualité.
Des ateliers impériaux de laque sont fondés permettant de contrôler et de perfectionner encore la qualité des objets produits. Des artistes se permettent d’apposer leur nom sur certaines pièces comme Zhang Cheng et Yang Mao ce qui en dit long sur le prestige de leur art.
Certaines des plus belles pièces des collections impériales seront produites, notamment à partir du règne de Yongle afin de décorer le nouveau palais impérial – la Cité Interdite.

La laque incrustée de nacre dite luoqi connaît une certaine popularité: elle est alors à fond noir et richement agrémentée de motifs d’oiseaux, de fleurs et de personnages y compris sur certaines pièces de mobilier.
À la fin de la dynastie Ming émerge une nouvelle technique, le Coromandel, qui consiste à creuser la laque afin d’obtenir des motifs gravés le plus souvent rehaussés de polychromie.
Cette technique servira en particulier à la production de paravents dont beaucoup furent conçus pour l’export notamment sous les Qing.
La Dynastie Qing (1644-1912) : Continuité et finesse
Sous les Qing, en particulier à la fin du XVIIe et au XVIIIe siècle, le travail de la laque poursuit son apogée.
La finesse des objets produits est d’autant plus remarquable que l’on va jusqu’à réaliser des meubles entièrement recouverts de laque sculptée.
Les incrustations de nacre sont plus virtuoses que jamais, et surtout une inventivité poussée à l’extrême par des commandes toujours plus extravagantes issues de la Cour Impériale, poussent les artistes à se surpasser.

De nouvelles techniques comme la laque tianqi (laque remplie de couleurs) et la laque sculptée xidiao sont développées. Sous le règne de Qianlong, cet art atteint un apogée qui ne sera plus égalé ensuite. La laque chinoise bénéficie d’une telle renommée qu’elle est exportée en quantité jusqu’en Europe où l’on s’arrache paravents, panneaux destinés à être montés en meuble et autres objets que l’on agrémente de garnitures de bronze doré.
L’instabilité du XIXe siècle chinois aura raison de la continuité du perfectionnement de l’art de la laque en Chine. Les guerres de l’Opium et les révoltes meurtrières fragilisent considérablement l’Empire.
Les commandes impériales diminuent, sont plus modestes et la qualité des objets décline à mesure que la production augmente notamment pour les besoins de l’exportation. À quelques exceptions près, c’en est fini de l’inégalable laque de Chine et ce, sous toutes ses formes.
Un doute sur la valeur de votre objet ? Demandez votre estimation gratuite en 72h et bénéficiez de nos frais réduits spécialement négociés avec les maisons de vente.
Secrets d’une technique millénaire
La préparation du support : Bois, bambou, cuir : quels matériaux sont utilisés ?
Le laquage des objets, qu’ils soient décoratifs ou utilitaires, était un processus long et particulièrement délicat.
Pourquoi cette difficulté ? C’est simple, car cette technique nécessitait au-delà du temps de préparation du support et de laquage, de nombreux temps de séchage.
En outre, il était nécessaire afin d’obtenir une couverte lisse et harmonieuse de répéter l’opération plusieurs fois. Certains objets, notamment en laque cinabre pouvaient nécessiter plusieurs centaines de couches de laque décuplant par là même le temps de séchage.
Le choix du support et sa préparation étaient des étapes cruciales car si la laque est une matière dure et résistante, elle supporte en revanche relativement mal les tensions mécaniques une fois sèche. Aussi, le bois devait-il être choisi avec soin afin d’éviter autant que possible des fissures prématurées endommageant la surface décorée.
Différentes essences ont été couramment utilisées dans la Chine ancienne pour produire des objets laqués.
Parmi eux on retrouve notamment :
- L’orme (songmu) souvent utilisé pour produire du mobilier, y compris destiné à être laqué.
- Le camphrier (zhangmu), un bois léger mais résistant qui a la particularité de dégager une forte odeur éloignant les nuisibles et protégeant les linges des attaques d’insectes.
- Le bambou, léger et bon marché, souvent utilisé pour la vannerie et sur lequel on appliquait une couche de laque afin d’en accroître la résistance.
- Le cyprès, majoritairement utilisé pour la fabrication de meubles.
- Plus rarement des bois précieux tels que le huanghuali, le zitan ou le hongmu, le plus souvent à destination de la Cour ou de la famille impériale. Rares et prestigieuses, ces essences sont le plus souvent laissées sans couverte de laque car leur grain était particulièrement apprécié pour sa finesse et sa densité.
Une fois l’essence choisie, la préparation du support restait nécessaire: ce dernier était soigneusement poli puis ses aspérités comblées à l’aide d’un mélange de cendre ou de sciure de bois additionné à de la laque. On trouvait également dans certaines régions de Chine, certes plus rarement, des comblements à base de minéraux tel que l’argile.
Selon les périodes et les centres de production, les artisans pouvaient également couvrir le support d’une couche de tissus ou de papier qui était ensuite saturé de couches de laque jusqu’à obtenir un support parfaitement lisse.
Une fois finement poncé, le support était ensuite prêt à être laqué et décoré.

L’application des couches de laque : un processus minutieux
Le travail de la laque n’est pas seulement complexe par le temps qu’il nécessite – il l’est également par les conditions dans lesquelles il doit être mené.
L’application des couches de laque doit en effet avoir lieu dans un environnement chaud et humide. Ce climat particulier est une condition sine qua non au processus de polymérisation de la matière entraînant son durcissement.
L’artisan passait une fine couche de laque à l’aide d’une brosse pour les premières strates, puis d’un pinceau pour les dernières. L’objet était ensuite stocké dans une chambre humide dans laquelle la température était scrupuleusement contrôlée afin que la matière puisse sécher dans des conditions parfaites. Chaque couche nécessitait ensuite un minutieux travail de ponçage à l’aide de poudre de charbon.
On estime qu’un objet standard nécessitait environ une dizaine de couches quand les objets les plus prestigieux pouvaient en compter plus d’une centaine !
Décoration et finitions: une variété de techniques de laque :
Non moins importante, l’étape de la décoration nécessitait une grande dextérité pour une raison simple: il n’est pas possible d’effectuer de repentir en laque.
Une erreur trop visible et c’est tout le processus qu’il faut reprendre en ponçant la surface afin d’effacer le décor et ensuite le corriger.
Diverses techniques furent couramment utilisées sous la Chine impériale, développées comme on l’a vu au fur et à mesure des perfectionnements de technique de laque.
Ainsi peut-on trouver :
La laque peinte
À l’aide d’un pinceau, l’artiste appliquait directement sur le support durci des pigments mélangés à la laque à partir de motifs préalablement esquissés ou apposés sans préparation pour les pièces les plus communes.
Les pigments les plus fragiles nécessitaient parfois l’application d’une couche de laque transparente pour la finition afin d’en fixer définitivement le décor.
La laque sculptée (diaoqi)
À l’aide de diverses gouges et couteaux, l’artisan sculptait les motifs en relief dans une épaisse couche de laque. Pour cette technique, nous vous renvoyons à notre article dédié à la laque cinabre.
L’incrustation
Les incrustations les plus courantes étaient faites en nacre blanche et irisée (en Chine comme au Vietnam d’ailleurs) après avoir préalablement creusé les cavités visant à recevoir le matériau. Dans certains cas prestigieux, l’artisan pouvait incruster des matières précieuses comme l’or ou l’argent.
La laque incisée et remplie d’or (qiangjin)
La technique consistait à graver des motifs en creusant des sillons directement dans la laque puis en les remplissant de poudre d’or.
La laque de coromandel
Apparue à la fin de la dynastie Ming, cette technique consistait à creuser les motifs dans la laque puis à les rehausser de polychromie. Elle était couramment utilisée pour la production de paravent notamment pour l’exportation (mais pas uniquement).

Les meubles et les objets en laque chinoise
Une myriade d’objets et de meubles furent réalisés en laque sous la Chine Impériale. La complexité de leurs décors et l’iconographie qui étaient choisies pour chacun d’eux visaient non seulement à traduire son usage mais aussi et surtout à incarner le statut social de son propriétaire. C’était le cas y compris jusque dans la mort puisque nombre de pièces en laque furent découvertes dans un cadre funéraire (par exemple dans les tombeaux de la dynastie Shang et Han).
Les meubles
Nombreux sont les meubles à couverte laquée dans la Chine ancienne. Une telle préparation traduisait non seulement une ambition décorative mais aussi et surtout un besoin, celui de prolonger le bois qui en était recouvert.
Tables, chaises, fauteuils, armoires et autres paravents étaient régulièrement réalisés en laque et décorés avec plus ou moins de soin en fonction de leur propriétaire.
Anecdote : Certains soldats français ayant participé au sac du magnifique palais d’été de Pékin témoignent que des murs entiers du palais étaient décorés de panneaux de laque rouge cinabre entièrement sculptés et parfois même somptueusement incrustés de pierres précieuses…

Ustensiles et objets de la vie courante
La majorité des objets produits en laque et que l’on retrouve dans les boutiques d’antiquaire, en brocantes ou sur le marché de l’art sont foncièrement courants, fabriqués pour l’usage quotidien.
C’est le cas des paniers, de diverses cuillères et ustensiles de cuisine, assiettes et autres bols, coffrets ou boîtes de mariage. Ces objets sont assez nombreux en Europe et pour cause : ils ont été produits en quantité en Asie !
Par ailleurs, ces pièces ethniques étaient très à la mode dans les années 70-80. Les importateurs s’en sont donc donné à cœur joie. Ils ont fait entrer dans des boutiques plus ou moins sérieuses une quantité invraisemblable de ces objets de la vie de tous les jours (quand ils n’étaient pas directement fabriqués en faisant croire qu’ils avaient été utilisés anciennement dans l’Empire du Milieu).

Les objets d’art
Si les objets en laque de la vie courante ont été les plus nombreux, il ne faut pas en déduire pour autant que les objets d’art en laque existent en faible quantité.
Bien au contraire, la laque a été largement utilisée dans la production artistique dès l’Antiquité et pas uniquement dans un but utilitaire, loin s’en faut.
Les décors somptueux de certaines pièces, décorées par des maîtres ayant parfois laissé leur nom dans l’Histoire, expriment encore aujourd’hui la richesse de leur ancien propriétaire. Vases, assiettes, boîtes précieuses, coffrets à bijoux, panneaux décoratifs furent copieusement produits, y compris à l’époque impériale avec, par ailleurs, il faut bien le dire, de réelles disparités dans la qualité des objets qui sortaient des ateliers.

Il n’est donc pas difficile de trouver des pièces tout à fait intéressantes sur le marché de l’art actuel, français ou étranger.
Il est à noter aussi que la distinction entre l’objet d’art et l’objet utilitaire n’est pas toujours facile à tracer en art d’Asie. Les objets avaient toujours une fonction : l’art pour l’art n’est-il pas une notion moderne ?
Les pièces funéraires
Comme évoqué plus haut dans cet article, les objets funéraires en laque sont loin d’être des exceptions. Nombre de cercueils laqués ont été découverts en Chine dont certains vieux de plusieurs milliers d’années.
La pensée chinoise ancienne accordait une importance considérable à la conservation des corps. Aussi le laquage des objets funéraires avait-il pour fonction supplémentaire, au-delà de la simple décoration, de permettre une meilleure conservation dans un contexte d’enfouissement souvent humide.

Le cas de la Marquise de Daï est sans doute le plus édifiant : inhumée dans un cercueil gigogne en laque, la noble dame morte sous la dynastie Han est remarquablement momifiée au point que les scientifiques notèrent une absence de rigidité cadavérique que l’on observe habituellement sur les momies égyptiennes ou incas.
Outre les techniques d’embaumement avancées des Chinois, la laque n’est sans doute pas étrangère à cette étonnante conservation. Ayant permis de fermer hermétiquement le cercueil et ayant protégé le bois tout en éloignant les parasites, elle pourrait être l’un des secrets de ce cas unique.
Les pièces de prestige destinées à la Cour Impériale et à l’Empereur
Dans cette multitude de pièces produites en laque se démarquent les objets et décors produits à destination de l’Empereur et de sa Cour. Des objets d’un raffinement tel que leur destinataire ne pouvait être que le Fils du Ciel ou l’un de ses proches.

De nombreux textes et inventaires impériaux témoignent de l’exubérance de pièces de laque qui ornaient les palais et qui étaient, à partir des Ming, spécialement commandées au sein des ateliers impériaux.
Trônes entièrement couverts de laque cinabre sculptée si finement que certains détails dépassent à peine l’épaisseur d’un ongle, panneaux incrustés de pierres précieuses, d’or et d’argent, coffres recouverts de laque d’or aux somptueux dragons enchevêtrés…
La laque matériau d’une remarquable longévité a été utilisée partout au service du pouvoir, y compris dans son architecture: majoritairement réalisés en bois précieux sur des bases de marbre blanc, les constructions impériales étaient systématiquement couvertes de décors à base de laque qui au-delà d’exacerber le pouvoir impérial, protégeaient l’âme de bois des structures.
De nombreuses pièces impériales en laque ont été récemment vendues aux enchères publiques notamment en France et en Angleterre atteignant régulièrement plusieurs centaines de milliers d’euros.

Comment reconnaître un laque chinois authentique ?
La laque fut à ce point commune en Asie que le marché de l’art actuel se trouve inondé d’une quantité considérable d’objets dont beaucoup sont hélas faux ou de faible valeur.
Comment s’y retrouver ? Outre le fait de faire appel à un expert spécialisé, il existe des astuces afin d’éliminer les cas les plus grossiers.
Je vous délivre donc ici mes conseils spécifiquement destinés aux collectionneurs afin de vous permettre de faire de belles acquisitions et éviter les déconvenues.
Un doute sur la valeur de votre objet ? Demandez votre estimation gratuite en envoyant quelques photos de votre objet.
L’aspect visuel et la brillance
Comment distinguer une vraie laque d’une imitation ?
Résine naturelle ou laques synthétiques modernes
Vous l’aurez compris, le travail de la laque nécessite savoir-faire, logistique mais surtout… du temps ! Beaucoup de temps ! Et le temps – c’est de l’argent.
Les faussaires ont donc trouvé tout naturellement des alternatives à ce complexe procédé afin de produire des pièces très décoratives à moindre coup. Amis collectionneurs gare aux désillusions ! Les laques synthétiques existent depuis près de cent ans et peuvent être trompeuses.
Elles sont pour l’essentiel réalisées à base de matière plastique bon marché et le résultat laisse en conséquence souvent à désirer quand on a déjà tenu dans sa main une pièce authentique.
Première technique en cas de doute : le test de l’aiguille.
Chauffez à blanc une aiguille puis appliquez la partie brulante sur la surface de l’objet en tentant de l’enfoncer. Si la matière fond, il ne peut s’agir de laque authentique.
Seconde technique: l’observation.
Le plastique est une matière synthétique qui ne permet pas un modelé aussi précis que la sculpture à la main à l’aide de goujes notamment pour la laque cinabre. Des détails trop ronds, faibles en qualité trahissent souvent un objet moulé qui ne peut donc avoir été fait en laque.
Le façonnage du plastique laisse aussi des traces: observez la surface de l’objet: si des résidus disgracieux qui peuvent être néanmoins discrets apparaissent c’est que vous êtes en présence de plastique.
Pour les objets en laque lisses, l’observation se concentrera plutôt sur l’épaisseur, sa brillance, son homogénéité. En passant la main sur l’objet vous pourrez aisément sentir de légères ondulations sur les laques naturelles que la pétrochimie ne reproduit pas.
Par ailleurs, la laque est toujours appliquée sur une surface en bois ou en tissu ce qui n’est pas le cas du plastique.

Distinguer une matière plastique d’un laque naturel est donc simple et ne nécessite aucune autre connaissance particulière.
Les imitations de laque chinoise sont souvent faibles en qualité mais le principal n’est certainement pas la question du synthétique ! La laque prend du temps mais n’est pas coûteuse à produire. Des techniques de séchage plus rapide ont progressivement été mises au point ce qui permet de réaliser en laque naturelle des objets en réduisant considérablement le processus de production.
Aussi faudra-t-il porter son attention sur des éléments qui peuvent réellement vous égarer. Le reste de mes conseils se résumera en une phrase :
Rappelez-vous toujours que la qualité du travail dépend souvent de l’ancienneté, une règle assez commune pour les objets chinois.
La forme et les proportions de l’objet
Le collectionneur d’art chinois doit se transformer en un véritable dictionnaire des formes et des proportions afin de distinguer du premier coup d’œil les plus grossières imitations.
À chaque époque correspond une série de formes, lesquelles obéissent à des codes relativement précis y compris dans les proportions. Les questions que le collectionneur devra dès lors se poser en voyant l’objet sont :
- La forme existait-elle à l’époque prétendue de l’objet ?
- Le décor qui se veut typique d’une époque est-il cohérent avec la forme de l’objet ?
- Les proportions de l’objet sont-elles conformes à des pièces connues notamment conservées dans des musées ?
L’époque moderne tend à copier de mieux en mieux les pièces anciennes mais ça n’a pas toujours été le cas. Elles obéissent à une règle majeure – la plus importante de tout marché – qu’est « l’offre et la demande ». Elles tendent à imiter les décors les plus plébiscités par les amateurs à tel point qu’elles opèrent des mélanges de divers styles à grand renfort de détails superflus qui n’ont jamais existé dans le travail des maîtres anciens.
La familiarité et le temps finissent par trahir l’imposture, c’est certain, mais votre œil la trahira tout autant s’il s’est habitué à observer avec soin les exemples connus.
L’art chinois est un art codé, sacré, millimétré: les formes et les proportions ne sont pas le fruit du hasard et correspondent à des règles précises. Un objet trop original est rarement bon signe dans la plupart des cas.
Dans le doute abstenez-vous !
La qualité de la laque : douceur, profondeur et reflets subtils
La qualité de la laque et du travail général sur l’objet sont déterminants pour éviter les copies modernes. Faites à l’économie, ces dernières suivent rarement le long processus nécessaire à la fabrication authentique d’un objet d’art en laque.
La laque ancienne est pleine de nuances, douce et profonde aux subtils reflets qu’une lumière blanche orientée à sa surface pourra facilement révéler. À l’inverse les laques modernes souvent à base de pigments industriels standardisés présentent de faibles nuances voire aucune nuance du tout. La couleur est le plus souvent nette et sans reflets avec une faible profondeur.
Rappelez-vous que plus un objet présente un important nombre de couches et plus le processus a été long ce qui est un vrai gage de qualité. Pour que cette profondeur soit visible, il faut que de fines couches aient été superposées puis un temps de séchage respecté. Afin d’imiter cette profondeur, les faussaires ont parfois appliqué plusieurs strates de matière artificiellement patinées mais le plus souvent de façon brouillonne et avec une épaisseur trop importante.
En somme, une couleur trop nette et sans nuance, une faible profondeur et un rendu de surface trop parfait sont le signe d’un laque moderne.
Les matériaux utilisés dans la laque chinoise : Bois, bambou, cuir : les supports traditionnels
Si nous avons déjà évoqué longuement ce point dans une partie précédente de cet article, j’attire votre attention de nouveau sur la cohérence des matériaux.
Le synthétique est une chose, mais un bon faussaire qui réalisera une pièce prétendument importante fera attention aux détails notamment aux matériaux. Toutes les copies ne sont pas nécessairement de mauvaise qualité. Il existe de belles pièces totalement modernes et qui respectent très bien la technique de fabrication traditionnelle. Aussi cette observation n’est-elle pas suffisante à elle seule. Elle permet cependant de déceler les imitations les moins poussées.
Le support sur lequel la laque est appliquée doit correspondre aux pratiques de la période. Par exemple, un support en métal traduit souvent une fabrication tardive. Le poids est généralement un bon indicateur lorsqu’il n’est pas possible d’observer l’âme de l’objet.
Les motifs et symboles traditionnels : décrypter les codes de l’art chinois
Comme toujours en art chinois, la symbolique des décors est essentielle. S’il peut paraître banal de s’y attarder, cette observation se veut cruciale pour repérer les faux.
Les pièces les plus recherchées sur le marché de l’art sont bien évidemment les pièces impériales. Vous vous en douterez ce sont aussi les plus copiées (parfois assez soigneusement).
Or c’est là que doit se manifester votre regard attentif. Les pièces impériales ou destinées à la Cour sont toujours d’une qualité somptueuse. Il est impossible qu’un objet aux finitions médiocres ait pu être destiné au Fils du Ciel. La Chine ancienne est un monde dirigé par un despote : une telle erreur peut vous valoir la peine de mort !
En conséquence, ne soyez pas crédules ! Comparez les décors avec des pièces connues, observez chaque détail aussi bien dans l’attitude des personnages que dans la représentation des fleurs en bordure de l’objet, vérifiez que le style de ces derniers correspond bien à l’époque prétendue et par-dessus tout montrez-vous intransigeant sur la qualité de la pièce.
Un laque impérial authentique est une merveille – ne vous attendez pas à en trouver un au premier stand de votre brocante de quartier. Cela relève plus de l’exception que de la règle. Cela peut donc arriver mais c’est excessivement rare.
Pour les pièces plus communes, il n’est pas difficile de faire l’acquisition d’un laque d’époque Qing à un prix raisonnable. La laque reste moins plébiscitée que la porcelaine et de belles affaires peuvent faire le bonheur de votre collection y compris aux enchères. Le reste n’est qu’une question de cohérence entre l’époque prétendue et le style de représentation.

Les éventuelles inscriptions peuvent constituer une preuve supplémentaire mais elles ne suffisent pas à elles seules à dater une pièce.
À vous de jouer, ouvrez l’œil !
La patine et les signes du temps : un gage d’authenticité mais pas toujours
La laque est un matériau résistant. En conséquence, de nombreux objets ont été conservés pour de plus ou moins bonnes raisons d’ailleurs. Cette résistance donne à la laque un aspect qui peut paraître étrangement neuf pour un objet ancien: ce n’est pas toujours le signe d’une imitation. Certaines pièces très bien entretenues ou restaurées peuvent avoir conservé un éclat et une brillance remarquables.
Pour autant dans la grande majorité des cas, les laques authentiquement anciens présentent des défauts et des accidents. Résistante, la laque n’en est pas moins cassante. Il est ainsi très peu probable de trouver une pièce datant de la dynastie Ming sans la moindre restauration, ni défauts.
Les craquelures naturelles : effet du vieillissement de la laque
Avec le temps, la laque devenue rigide finit souvent par craqueler. Des fissures peuvent survenir en raison du vieillissement du support, le plus souvent en bois: matière vivante, ce dernier tend à se gonfler ou à se rétracter en fonction de l’humidité ambiante ce qui peut provoquer des fissures dans la couche de laque.
Il est également très courant d’observer à la surface des objets anciens en laque un réseau de fines craquelures pouvant conduire à des soulèvements. Ces craquelures sont souvent bon signe et constituent la marque d’un processus de vieillissement tout à fait naturel.
L’observation de ces dernières à la loupe peut permettre de déceler une tentative de vieillissement artificiel en présence d’un faux.
Marques d’usure et oxydation : distinguer l’authentique du faux
Il n’est pas rare de constater d’importantes traces d’usures à la surface des objets en laque. Si une conservation adéquate permet d’éviter de tels désagréments, la matière reste cependant sensible aux rayures.
Par ailleurs, les rayons UV du soleil comme de la lune tendent à oxyder la laque. La laque cinabre au rouge intense par exemple devient foncée et peut même totalement noircir au contact direct du soleil.
Un objet à l’apparence trop neuve et aux couleurs trop franches laisse souvent entrevoir la familiarité d’une pièce moderne. Aussi les faussaires se sont-ils adaptés : utilisant une mixture à base de goudron ou d’acide, ils ont souvent patiné les objets de façon totalement artificielle afin de leurrer les amateurs.
J’attire ainsi votre attention sur le cas du mobilier : de très nombreux antiquaires proposent actuellement des meubles laqués prétendument anciens. Si certains d’entre eux sont effectivement composés d’éléments de meubles d’époque impériale, leur grande majorité est totalement moderne, travaillés par les artisans afin de donner l’illusion d’une pièce authentique. La laque se patine dans la masse et non pas uniquement en surface.
Aussi rappelez-vous qu’un meuble sale n’est pas forcément un meuble ancien.
Tests simples pour identifier une laque ancienne
Il n’existe hélas pas de test particulier ou d’astuce magique permettant de déterminer l’ancienneté d’un laque.
On pourrait parfaitement avoir recours à des prélèvements dans la matière afin de la soumettre à des tests scientifiques notamment au carbone 14 mais ces tests sont coûteux et souvent invasifs : faire un trou dans un laque impérial est impardonnable même si cela est fait pour les meilleures raisons du monde.
Vous doutez ? Adressez-vous à un expert en art d’Asie qui saura vous renseigner. Les astuces précédemment détaillées reposent essentiellement sur l’observation de l’objet. Couplé à une bonne connaissance de l’art chinois, c’est encore le meilleur moyen de ne pas se tromper dans son achat.
Vous possédez un objet de collection ? Demandez-nous une estimation gratuite et confidentielle en cliquant sur le lien ci-dessous.
Conclusion
La laque chinoise est probablement l’une des techniques les plus employées dans la Chine ancienne.
Sa résistance et son adaptabilité ont fait son succès et de nombreux objets d’art sont aujourd’hui à la disposition des amateurs sur un marché qui reste néanmoins très concurrentiel.
Quelques pépites font régulièrement leur apparition aux enchères publiques ou au détour d’un stand de brocante bien achalandé. Fort des quelques conseils qui vous ont été prodigués dans cet article, montrez-vous malins et agrandissez votre collection en toute quiétude.
En cas de doute vous pourrez toujours faire appel à mes services pour des conseils plus personnalisés ou une expertise précise.
